Artiste discrète, Laure Motreff tisse un univers habité d’une foule de figures, dans l’intimité de son atelier. Fantasmagoriques, emplis de présences énigmatiques, les tableaux de Laure em-pruntent le sfumato aux maîtres classiques, font l’usage du blanc de meudon, de l’enduction à répétition. Elle invente ses sup-ports, rigides et libres, qui lui permettent d’inscrire une écriture artistique résolument personnelle, teintée tout à la fois d’humour et de cynisme. Il y à chez elle, une note de pop surréalisme dans la composition dont elle manie la mise en scène au millimètre près. Sa touche, elle, s’en éloigne laissant apparaître une chair que l’on veut toucher, d’autant plus réaliste qu’elle souligne les irrégularités de ses modèles.Laure construit son corpus en s’inspirant de portraits photogra-phiques qu’elle scénarise et fixe dans le temps. Chaque tableau est un souffle long, dont l’artiste semble ne ja-mais vouloir se séparer. Aujourd’hui, nous avons la chance de pouvoir découvrir une vingtaine d’œuvres de Laure Motreff, réunies le temps d’une ex-position personnelle à la D Galerie.
Laure Motreff a participé à l’exposition Baby Doll(2019) de la D Galerie.
Laure Mottref exposait une oeuvre iconique « Lucie ne se laissera pas robotiser ».
L’œuvre présentée ici est le premier grand format réalisé par Laure Motreff. C’est une peinture qui dépasse l’artiste pour évoquer une histoire actuelle universelle. «Lucie ne se laissera pas robotiser» est un tableau très contemporain. Y sont intégrées des miniatures qui font allusion à différents faits de société et luttes; des jeunes femmes Kurdes armées, Greta Thunberg, des migrants. Un ensemble de scénettes qui sont autant de tableaux dans le tableau, évocations d’éléments et personnages qu’elle puise dans l’actualité, tous en recherche de transformation, d’accès à une autre forme de condition et de liberté.
Au centre du tableau, on aperçoit le personnage central, cette jeune fille Lucie, qui fait un signe assez fort d’étouffement et essaie de se libérer du carcan dans lequel nous nous trouvons, symbolisé par les poupées, toutes très normées, rigides, dans un monde assez organisé. Là encore, la composition place au cœur du sujet l’élan, celui qui permet de sortir de sa propre condition.
Si l’on s’attache au décor, la végétation chatoyante, chaude, séduisante, est paradoxalement une végétation où rien ne vit. Tout est sec, tout est figé.
Laure Motreff peint une fresque contemporaine, proposant la vision d’un monde en état de choc, ou sinon en alerte, dans lequel il est possible de prendre position, de s’émanciper, comme le font les personnages représentés. Le végétal autant que la disposition des personnages, rendus statiques par les ressorts qui les entourent, symbolisent à nouveau l’oppression, la rigidité et éventuellement la décrépitude de notre environnement.
Loin de faire de «Lucie ne se laissera pas robotiser» un plaidoyer, Laure Motreff se fait le témoin d’un monde changeant, qui s’interroge sur climat, l’humanitaire, et plus généralement sur son temps.